Une loi liberticide ?

two women in hijabs playing soccer in park

Le sénat français vient d’adopter, après de nombreuses tentatives repoussées dans les années précédentes, une proposition de loi qui restreint le port de signes religieux en les interdisant dans toute pratique sportive. L’argumentaire en faveur de cette interdiction s’appuie sur de soi-disant « tentatives de communautarisme » dans la société française et la volonté d’y sanctuariser le domaine sportif. L’interprétation sous-jacente de la loi française de 1905, dite « loi sur la laïcité », qui cherche à séparer les organisations dites « religieuses » et la société civile, souligne le risque, toujours possible, de trouble à l’ordre public de ce communautarisme.

Sans surprise, le contre-argumentaire s’appuie sur un autre versant de cette même loi : protéger la liberté de conscience de tous les citoyens français et la liberté de culte pour toutes les organisations dites « religieuses » sur le territoire français.

Cette loi rejoint les nombreuses chartes et conventions internationales signées par les autorités françaises au sujet de libertés fondamentales : croire ou ne pas croire, pratiquer ou ne pas pratiquer, ne pas manipuler une religion pour garantir l’unité nationale ou sociale, ne pas laisser les « religieux » s’immiscer dans les affaires civiles au nom de leurs croyances, etc..

Le hijab, puisque c’est de lui dont il s’agit, fait encore parler de lui, dans ces temps où trouver un bouc émissaire permet d’éviter les problèmes plus difficiles à résoudre. Non pas que l’unité nationale ne soit pas une question sans cesse à poser, partout. Mais la focaliser ici sur une partie de la population française risque de produire l’effet inverse. En effet, étant donné que le « voile islamique » est arboré comme LE symbole de l’identité musulmane par beaucoup de femmes, et qu’il sert de protection pour beaucoup d’entre elles lors de leur participation à l’espace public, comme dans les manifestations sportives, l’interdire par la loi revient à stigmatiser brutalement une partie de la population française. Dans ce domaine, il y a, me semble t’il, un profond respect à manifester, une délicatesse à mettre en œuvre, un dialogue à instaurer. Et des convictions à réaffirmer tranquillement.

J’ai manifesté en 2004 contre la loi interdisant « le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse » dans les collèges et les lycées publics, non pas parce que j’étais favorable à ce port, comme l’étaient d’autres manifestants, mais parce que je pense que la loi n’est pas le bon moyen pour régler ce « problème ». J’estime en effet qu’elle fait irruption avec violence dans un champ intime qui devrait faire l’objet, surtout dans les cercles éducatifs, d’une attention particulière, d’échanges délicats, respectueux et ouverts. Et je crois que dans le sport, lieu éducatif et socialisant s’il en est, c’est la même chose.

Comment se fait-il que des autorités françaises, des sénateurs, des élus, des responsables sportifs, n’aient plus confiance dans la capacité de chaque individu à exercer son esprit critique, à faire ses propres choix, à grandir en liberté ? Et dans la capacité de la société et des instances éducatives à promouvoir, accompagner, et à soutenir ces démarches émancipatrices ? Qu’ils n’aient plus confiance dans la force citoyenne, celle qui fait de chaque personne, dans son histoire propre et avec ses liens particuliers et fraternels, dans une pluralité sociale inévitable, une singularité en marche vers la liberté ?

Nous, citoyens français de la Confédération Internationale Solidaire et Ecologique (CISE), confrontés avec bonheur à des situations sociales très diverses hors du territoire national, soutenons les efforts à la fois pour trouver, à nouveau frais, un socle d’intégration nationale et solidaire, qui permette à tous et toutes de s’exprimer, de contribuer, et pour renforcer une citoyenneté laïque, respectueuse des personnes et de leur quête. Nous sommes convaincus, au delà des frontières de notre pays, de la force civilisationnelle de l’émancipation des individus, de la qualité d’une éthique de la personne dégagée de tout dogmatisme religieux. Pascal Aude.

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