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Macron et les Français de l’étranger : Le vrai bilan

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Florence POZNANSKI et Christophe COURTIN, membres de la France Insoumise des Français de l’Etranger et du Parlement de l’Union Populaire, partagent avec nous leurs recherches et analyses sur l’évolution de la vie des Français à l’étranger durant le quinquennat d’Emmanuel Macron:

2,5 millions de Françaises et de Français vivent à l’étranger. 1,4 millions sont inscrits sur les listes électorales consulaires et votent aux élections nationales françaises depuis leur pays d’accueil. L’équivalent des habitants de Marseille et Lyon réunis. Par paresse politique, certains les considèrent en bloc, comme si le fait de vivre à l’étranger était suffisant pour les caractériser alors que la diversité des situations sociales et économiques caractérise cet électorat tout comme les 45 autres millions d’électeurs. Le petit entrepreneur français en Côte d’Ivoire n’a pas les mêmes préoccupations que la fonctionnaire onusienne à New York, tout comme la retraitée en Tunisie à la pension modeste qui a travaillé toute sa vie dans son pays d’accueil et qui a choisi de s’y installer, comme le cadre bancaire à Londres, la restauratrice en Chine, le binational au Sénégal descendant de la 4e génération d’un ancêtre naturalisé Français dans l’une des quatre premières communes de plein exercice, la descendante à Fez d’un OS marocain de Peugeot Poissy naturalisé Français dans les années 70, le consultant en Hollande, l’universitaire en Argentine, l’agent consulaire à Hong-Kong, la fonctionnaire ou contractuelle européenne à Bruxelles, le technicien à Dortmund, la militante de la solidarité internationale au Sahel, l’urgentiste en Iturie, l’enseignant dans un lycée français au Maghreb ou celui dans un collège privé suisse. 

Leur situation s’est dégradée pendant le mandat de Macron, que ce soit au niveau de l’enseignement, de la protection sociale ou de la sécurité. Sa gestion de la crise sanitaire, survendue comme un atout a révélé de grosses lacunes. Comme pour tous les Français qui vivent sur le territoire national, la doxa libérale financière est l’horizon indépassable de son l’idéologie.    

Le mandat de Macron avait débuté en fanfare par une baisse de 10% du budget de l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE) pour 2018, suivie par des contre-mesures brouillonnes d’urgence pour encaisser les effets de la COVID.  On revient aujourd’hui dans le sillage de la baisse des moyens de l’AEFE ramenés au nombre d’élèves scolarisés. On annonce « en même temps » le doublement des effectifs d’élèves pour 2030 (700 000) dans les établissements scolaires par une politique d’homologation à tout va : une stratégie de privatisation accélérée et un bradage de la qualité de l’enseignement. La réduction des titulaires de l’éducation nationale et la disparition programmée des professeurs expatriés chargés de la formation des professeurs locaux dans les pays font que de plus en plus d’entre eux enseignent un programme français auquel il n’ont pas été formés, ainsi les principes de non-discrimination genrée, de laïcité, qui fondent notre enseignement républicain sont mis à mal dans beaucoup de pays où la religion structure encore les sociétés. Ajoutons la disparité des rémunérations au sein des établissements du fait des statuts des personnels qui se chevauchent. L’homologation devient une course à l’échalote pour des entreprises lucratives privées d’enseignement. De plus en plus de Français à l’étranger ne mettent plus leurs enfants dans les écoles françaises faute de bourses scolaires à la hauteur des coûts et en nombre. Le rejet des demandes de bourses au niveau central après leur validation au niveau des commissions consulaires, est en hausse, le budget diminuera de 10% en 2022. Les conditions de contrôle des épreuves du BAC dans les établissement à l’étranger ne garantissent plus la qualité du diplôme. L’«excellence française» en matière d’enseignement à l’étranger ne sera bientôt qu’une vaine formule.  

En matière de couverture sociale, la stratégie d’évolution progressive de la Caisse des Français de l’étranger (CFE) vers le secteur des assurances privées s’est accéléré, passant d’un système de solidarité, qu’il faut améliorer et consolider pour les plus bas revenus, à un système d’assurance individuelle qui renforce la protection des plus riches au détriment des plus faibles, notamment les travailleurs français précaires ou les petits retraités. Une enquête réalisée en Côte d’Ivoire au début de la COVID montrait que 20 % des ressortissants Français n’avait pas de couverture santé. Cerise sur le gâteau un retraité français à l’étranger doit maintenant justifier de 10 années de travail en France pour bénéficier de la couverture santé de la sécurité sociale. 

En Afrique sub saharienne où vivent 80 000 Français, le sentiment anti-Français qui concerne pour l’instant la politique française plutôt que ses citoyens, prend une tournure violente contre les intérêts affichés Français, comme ce fut le cas au Sénégal en mars 2021. L’attitude arrogante de Macron qui exaspère les habitants des pays d’accueil de nos compatriotes et l’absence de débat national sur les buts de la guerre que nous menons au Sahel, font que dans plusieurs pays où nos militaires y ont été tués, par prudence, il vaut mieux taire sa nationalité française. Les propos révisionnistes de Macron sur l’histoire précoloniale de l’Algérie ont meurtri les activistes du Hirak où militent de nombreux Français binationaux. 

La COVID résonne comme le mantra des soutiens d’Emmanuel Macron pour convaincre les Français de l’étranger à voter pour lui en 2022. « Quand je me regarde, je me désole, quand je me compare, je me console » cette formule, c’est l’injonction qui leur est faite pour vanter la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement français : les citoyens des autres pays ont été moins soutenus que vous, estimez-vous chanceux ! Dans les faits les soutiens aux Français de l’étranger n’ont pas été à la hauteur des mesures prises pour l’ensemble des Français. En proportion les 250 millions d’aides ont été plus faibles pour les premiers que pour les seconds et les modalités de distribution opaques tout comme l’organisation des vols « commerciaux-humanitaires » Air France par certaines ambassades quand les frontières furent fermées. Tout un réseau économique de PME-TPE créées par des Français, créatrices d’emploi de proximité (restauration, voyages, tourisme vert, hôtellerie, artisanat, services, environnement, énergies renouvelables, filières bio), a été démantelé par la pandémie. Ces petits entrepreneurs qu’Emmanuel Macron glorifie, contribuent au rayonnement de notre pays et ont été laissés pour compte : bien peu de sollicitude de la part des services économiques français (Business France, Ambassade, chambres de commerce). Les aides aux grandes entreprises françaises établies à l’étranger les ont laissé sur le carreau. 

Par souci d’économie, l’accélération de la dématérialisation des services consulaires ajouté à la fracture numérique qui touche aussi les Français de l’étranger, font qu’un grand nombre d’entre eux sortent des écrans radars des consulats. Le nombre de postes consulaires a encore diminué. Des Instituts français ont été fermés. La régression démocratique vécue en France touche aussi les Français de l’étranger dans leur instances représentatives : le vote électronique participe de la volonté de diminuer les bureaux de vote dans les consulats et n’a pas mobilisé aux dernières élections consulaires. l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) est dans le viseur des restrictions budgétaires. On oublie souvent qu’un tiers des Français de l’étranger sont des binationaux, cette proportion dépasse les 70 % dans plusieurs pays francophones anciennement colonisés. Cette double appartenance est une richesse. Au-delà de la dégradation réelle de la situation des Français de l’étranger, deux politiques d’Emmanuel Macron les ont touchés douloureusement, même s’ils ne sont pas concernés du fait de leur nationalité française : les restrictions d’octroi des visas, notamment au Maghreb, et la multiplication par dix des frais universitaires en France pour les étrangers. Ces mesures impactent leurs familles, leurs proches, tout ce qui favorise le ici et le là-bas, autrement dit, la créolisation du monde. 

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