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Mayotte: la fable éculée de l’appel d’air contre l’égalité des droits

mayotte la fable éculée de l’appel d’air contre l’égalité des droits

Grâce à une bonne saison des pluies, le mois de février voit la pénurie d’eau s’éloigner.

Depuis quelques mois, une autre crise a pris le dessus: l”’insécurité” à nouveau, avec non plus des migrants mais des “délinquants”. Cette nouvelle catégorie désigne de jeunes adultes ou adolescents, souvent mahorais ou comoriens. Quasi-quotidiennement, se produisent des bagarres rangées entre jeunes, à coups de pierre voire de bâtons, qui n’hésitent pas à “caillasser” les automobilistes de passage. Or en dehors du chef-lieu, l’île a peu de routes et aucun autre moyen de transport collectif que scolaire, ce qui excède notamment les personnes se rendant au travail. Ces “délinquants” vont aussi facilement affronter les gendarmes accourus, par jeu ou défi.

L’évidence de la crise sociale est aveuglante: minimas sociaux en – dessous de la moyenne nationale, la moitié des moins de 25 ans au chômage, 5 000 nouveaux bacheliers sont privés d’études chaque année faute de papiers, ne se sentant pas plus comoriens que Français…(1)

Les Forces Vives de Mayotte,  nouveau mouvement constitué notamment d’anciens collectifs de citoyens ont demandé le 22 janvier le démantèlement complet du camp de migrants du continent africain (2) puis lancé une opération de blocage des routes.

Puis à partir du 26 janvier, un communiqué de cette coalition y adjoint une exigence de droits relatifs à la circulation à travers tout le territoire français des détenteurs de visas de travail, dans le cadre d’une accélération de la départementalisation, c’est-à-dire l’égalité complète des droits et devoirs avec les autres départements.

Cette revendication ancienne était toujours mise en arrière-plan par les élus – tous actuellement situés  à droite-, car elle déplaisait à la métropole et à leur parti national…

Les blocages des véhicules instaurés sur toute l’île ont souffert de peu d’exceptions: pompiers, taxis derrière les barrages (!), ambulances avec patient, écoles fermées, ainsi que plusieurs bâtiments administratifs.

Le 3 février, les élus de Mayotte, ravis d’enfourcher cette ultime planche de salut ont aligné leurs positions sur celles des Forces Vives de Mayotte.

Darmanin, ministre de l’intérieur, y a répondu le 11 février en déclarant vouloir supprimer le droit du sol à Mayotte, les visas de travail territorialisés et en réduisant le nombre de visas de séjour à 10% de ce qu’ils étaient auparavant, soit à moins de 2000 /an.

Les élus ont accepté ce plan et après une certaine résistance locale, les barrages se sont arrêtés fin février.

Or, c’est le différentiel de richesses par habitant entre deux pays qui alimente le flux de migrations, différentiel qui n’est pas impacté par des mesures spécifiques d’accueil envers les migrants. Or c’est sur ce point que les mesures venues de Paris s’empilent les unes après les autres, depuis 30 ans, visant à rendre la vie plus difficile aux migrants pour qu’ils viennent de moins en moins. Cette théorie dite de l’appel d’air n’a jamais été validée par différentes études menées dans le monde. C’est la différence de niveau de vie entre le pays de départ et celui d’accueil qui est au coeur des migrations. Entre les Comores et Mayotte, ce revenu moyen est 8 fois plus élevé. Par contre, ces mesures anti-migrants, allant parfois à l’encontre des propres lois françaises, ne peuvent que les pousser à la violence, entraînant précisément l’effet inverse de celui recherché par la majorité des mahorais.

Enfin, rien n’est proposé à la jeunesse mahoraise, dont une fraction non négligeable est partie prenante de cette violence.

Lorsque l’ineptie de cette idéologie sautera aux yeux des mahorais, le débat social, soigneusement étouffé jusqu’alors, s’imposera-t-il?

(1) “Mayotte ou les symptômes d’une société fragmentée et désorganisée” dans la revue Mayotte Hebdo du 8 février 2024 : https://issuu.com/mayottehebdo/docs/mh_1075_hd

 (2)https://blogs.mediapart.fr/daniel-gros/blog/040224/chronique-de-linhospitalite-5-elles-ont-renonce-bruler-la-voiture/commentaires

Vincent Buard

Mayotte

5 mars 2024

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